Divorce et régime de retraite de l'employeur
Qu'est-ce qui provoque de telles distorsions? L'univers des régimes de retraite est complexe: «C'est comme les voitures, il y en a de tous les modèles», illustre Mme Carolyn Martel, actuaire associée. À titre d'experte, elle se rend en cour au moins 30 fois par année dans des causes de droit de la famille. Il existe deux grandes catégories de régimes de retraite. Les régimes à «cotisations déterminées» posent moins de problèmes. L'employeur et l'employé versent généralement chaque année une somme déterminée.
L'argent fructifie au fil des ans et la somme accumulée permet au travailleur de vivre à la retraite. En cas de divorce, la somme est séparée entre les époux. Elle risque d'être faible à cause des piètres rendements à la Bourse ces dernières années. Mais au moins, la somme à partager est claire.
Par contre, il faut un actuaire pour établir la valeur d'un régime à «prestations déterminées», l'autre catégorie de régime. Dans ces régimes, l'employeur établit à l'avance la rente à laquelle son employé aura droit à la retraite, en fonction de son salaire, de ses années de services, de l'âge de sa retraite...
Cela fait beaucoup d'hypothèses avec lesquelles il faut composer lorsqu'on établit la «valeur actuarielle» de la rente qui sera versée dans le futur.
Pour compliquer les choses, il existe au Québec quatre lois différentes qui dictent les règles de partage en cas de divorce, selon la catégorie dans laquelle tombe le régime de retraite.
Divorcer avant la retraite
Lorsque le couple divorce quelques années avant la retraite, le conjoint est souvent désavantagé.
Mme Martel donne un exemple concret. Paul, 55 ans, touchera une rente de 35 000$ à sa retraite. La valeur actuarielle de sa rente s'élève à 300 000$, car on présume qu'il prendra sa retraite à 65 ans et qu'il touchera sa rente durant 15 ans si son espérance de vie est de 80 ans.
Mais voilà que Paul décide de prendre sa retraite à 55 ans. «Le matin de la retraite, la valeur du son régime bondit parce que l'employeur doit faire une injection importante de capital étant donné que la rente sera versée plus longtemps», explique Mme Martel.
Du jour au lendemain, la valeur de son régime de retraite sera presque deux fois plus élevée (570 000$). Logique, car il recevra des paiements durant presque 25 ans.
Si Paul demande le divorce juste avant sa retraite, sa femme n'aura droit qu'à 150 000$ dans le partage de la rente. «Elle se retrouvera avec seulement le quart de la rente de la rente de son mari au lieu de la moitié», dit Mme Martel.
Notez que deux dates peuvent être utilisées pour établir le partage du régime de retraite: soit le jour de la cessation de vie commune, soit le jour du déclenchement des procédures. «Le choix de cette date peut être fatidique», souligne Mme Martel.
Divorcer après la retraite
À l'inverse, un retraité peut se faire vider sa caisse s'il ne fait pas ses calculs comme il faut.
Après la retraite, la valeur actuarielle d'un régime de retraite commence à diminuer, car le retraité touche sa rente. Si le couple divorce après la retraite, la rente sera partagée en deux. Le conjoint aura droit à la moitié de la valeur du régime au moment du divorce, plus les intérêts.
Or, les procédures durent parfois quelques années. Et pendant tout ce temps, le retraité aura reçu sa rente en entier, alors qu'il aurait dû en laisser une moitié à l'autre. Il faudra qu'il rembourse les sommes qu'il a reçues en trop!
«Sa rente peut être réduite de 60%, 70% 80% ou plus... Nous avons déjà vu des cas où le rentier a perdu la totalité de sa rente», indique Mme Martel.
Elle cite un cas pathétique. Georges touche une rente de 30 000$. Au moment de son divorce, son fonds vaut 400 000$. Mais le dossier traîne pendant sept ans. Lorsque le transfert a lieu, il doit verser à son ex-femme 200 000$ plus les intérêts, ce qui totalise 410 000$.
Mais Georges n'a plus que 370 000$ dans son régime, puisque la valeur diminue au fil des ans. Il ne lui reste plus un sou!
Cette mécanique est encore plus injuste si Georges a versé une pension alimentaire à sa femme pendant sept ans.
Il y a différents moyens de compenser cette injustice, dit Mme Martel. Par exemple, on peut soustraire le montant des pensions alimentaires versées durant les procédures ou partager les autres actifs de façons inégales.
Mais encore faut-il le prévoir avant de conclure le divorce.?
Ressources : le journal LaPresseAffaires, la revue Solutions de Manuvie, le site de conseiller.ca ...